YONG YANDSEN - Disillusion (Doubtful Sounds, 2013)
Yong Yandsen est un ancien guitariste malaisien converti depuis plusieurs années au saxophone, notamment au sein du groupe Klangmutationen. Avec Disillusion, il nous livre son premier disque solo, sept improvisations fondamentalement inspirées par Albert Ayler. 

D'habitude, j'évite au maximum les comparaisons, mais ici, je ne vois pas comment faire autrement tellement la ressemblance est forte. Yong Yandsen hurle dans son ténor avec la même incandescence, la même puissance, le même feu et la même passion qu'Ayler. Les mêmes mélodies simples basées sur trois notes et des accents rythmiques hérités des fanfares et marches militaires, mais chantés avec un lyrisme enragé et une puissance incroyable. La seule chose qui sépare Yandsen d'Albert Ayler, et qui n'est pas la moindre, c'est l'absence de spiritualité. 

Et voilà, vous n'avez plus qu'à imaginer un solo d'Ayler, en moins mélodique peut-être car il n'y a pas de thèmes à proprement parler (mais quelques citations d'Ayler), et plus radical, et vous pourrez vous faire une idée de Disillusion. Une suite d'improvisations brûlantes et écorchées, axées sur a recherche constante d'une puissance et d'une intensité maximales. Même si Yong Yandsen peut être mélodique et rythmique, le saxophoniste rentre tout de suite dans le vif: sa musique est brute, sans concession, directe.

Un solo qui n'a pas grand chose d'original, mais d'une telle puissance qu'il reste marquant. Un pur solo de sax ténor post-Ayler qui comblera les fans du free jazz le plus intense et radical.

(informations, présentation & extraits: http://doubtfulsounds.info/doubt10.html)

PALI MEURSAULT - Offset
(Doubtful Sounds/Universinternational, 2013)
Offset est une série de pièces composées par Pali Meursault à partir de field-recordings d'ateliers d'imprimerie. La première face de ce vinyle est consacrée aux matières musicales des presses, à leurs "cycles" rythmiques notamment, alors que la seconde face s'intéresse plutôt aux "flux" mois évidents des machines, aux sons continus plus implicites.

Tout commence donc avec des pièces très rythmiques, des rythmiques lourdes, grasses et métalliques, proches de l'indus évidemment, mais aussi du rap ou de l'électro. On imaginerait sans peine Dälek ou Blixa Bargeld poser leurs voix sur ces instrus. Avec ces compositions électroacoustiques à moitié techno, et à moitié musiques concrète, Pali Meursault semble mettre en avant l'influence déterminante du monde industriel sur la musique. C'est lourd, puissant et violent comme j'aime.

C'est avec la deuxième face que tout se corse. Les phénomènes sonores continus des ateliers d'imprimerie sont des cycles répétitifs et interminables ainsi que des bruits ambiants qui s'oublient avec l'habitude. Des bruits blancs médians qui font partie des phénomènes les plus aliénants du monde industriel, un peu comme si nous percevions en permanence une neige télévisuelle sans nous en apercevoir consciemment (ce qui est le cas de la pollution sonore métropolitaine). Pali Meursault explore ici des phénomènes sonores riches et complexes qui mettent cette fois en avant les propriétés psychoacoustiques et aliénantes d'un certain monde sonore et machinique, un monde extrêmement répétitif et insidieux. 

Très belle lecture en somme des ateliers d'imprimerie: une interprétation riche et singulière des aspects musicaux et psychologiques du monde industriel. Conseillé. 

(informations, présentation & extraits: http://doubtfulsounds.info/doubt11.html)