Stefan Thut & Johnny Chang - two strings and boxes

STEFAN THUT/JOHNNY CHANG - two strings and boxes (Flexion, 2013)
Quand on pense au collectif Wandelweiser, on pense encore souvent à Beuger, Frey, Pisaro et Werder, mais Stefan Thut n'est pas un nom qui revient si souvent (trop peu à mon goût en tout cas), alors qu'il fait partie des compositeurs les plus radicaux de Wandelweiser pourtant. A mon sens, ses compositions, et surtout leurs réalisations par lui-même, font parties des plus sensibles, radicales et intéressantes du collectif, comme peut le montrer encore ce disque, enregistrement live d'une de ses compositions.

Avec two strings and boxes, réalisée par Stefan Thut et Johnny Chang à la cithare et une boîte en carton, le compositeur continue son travail sur la répétition et les variations microtonales, sur la lenteur du mouvement, et l'absence de distinction entre le son et l'environnement. La matière instrumentale est extrêmement réduite et minimale: deux cordes frottées par un e-bow, plus la résonance d'une boîte. Il y a donc trois éléments: les notes de la cithare, les sons des boîtes, et l'environnement qui peut être considéré soit comme du bruit soit comme un silence vivant et dynamique, selon les auditeurs. Mais ces trois éléments parviennent à se fondre les uns dans les autres, à intégrer un flux ou une durée qui semblent préexistants à la réalisation de l'oeuvre. Tout est joué de manière sensible, faible et continue, chaque élément est maintenu et semble vouloir se fondre dans la musique et son environnement plutôt que d'en émerger.

La lenteur des progressions, la monotonie des répétitions, le minimalisme des variations s'accordent parfaitement avec la temporalité extérieure et naturelle. Avec cette réalisation, ce n'est pas seulement la hiérarchie entre les voix et l'ego des musiciens qui sont annihilés, c'est également la supériorité de l'art et de l'homme sur la nature. Tout semble être mis en oeuvre pour réintégrer la temporalité naturelle, rien n'est fait pour la dominer et l'asservir. Il y a une sorte de passivité qui peut sembler austère, froide et ennuyeuse, mais ce sont la précision, l'attention à l'environnement extrêmement sensible, ainsi que la radicalité avec lesquelles cette pièce est réalisée qui font de cette captation un grand disque.

Si l'asservissement à l'extérieur et à l'environnement semble passif et austère, la radicalité avec laquelle il est observé parvient à dépasser ces inconvénients et fait de cette performance un moment unique et beau où auditeurs comme musiciens peuvent se retrouver connectés au cosmos. Hautement recommandé.