Peter Blamey - Forage (Avant Whatever, 2012)

Forage est par excellence une œuvre de reconstruction, une œuvre post-industrielle, ou post-numérique devrait-on peut-être dire maintenant, basée sur un réseau de câbles et d'ordinateurs défaillants. Avec un ingénieux système de feedbacks, Peter Blamey construit sa musique et organise les bruits à partir de parasites digitaux et électriques. Un deleuzien dirait certainement qu'il fonde ainsi un espace interstitiel, ou encore une transversalité dans l'espace schizophrénique du capital. Car Blamey réinvestit les fantômes de la technologie fondée par le capital pour en faire un musique hors du capital. Une musique libre qui ne répond à aucune norme esthétique et commerciale. Une musique faite de crépitements abrasifs incessants, de ruptures fracassantes, du bruitisme énergique et puissant, intense et fort en somme. Un fourmillement de crépitements en tout genre, de larsens, de parasites et de boucles défaillantes. Peter Blamey construit à partir des matériaux exclus, cachés ou supprimés. Une musique basée sur un matériau fantôme et ignoré: toutes les imperfections et les spectres des nouvelles technologies. Et la construction sonore présentée ici est dure, violente, agressive. Peter Blamey ne rigole pas mais rage. Et c'est cette rage qu'on souhaite entendre plus souvent, cette rage inventive, et cette énergie qui manque souvent dans la noise, et dont on se délecte quand on les trouve.

(informations & extraits: http://www.avantwhatever.com/?p=941)

d'incise - are fishes nihilists? (kaon, 2012)

are fishes nihilists? (sous-titré: all this is not realistic) appartient à une série de disques conceptuelle publiés par le label kaon. Tous les deux mois, un artiste est invité à interpréter une série de phonographies de la rivière Taurion enregistrées par Cédric Peyronnet. Se sont déjà illustrés dans cette série Frans de Waard, Francisco Lopez, Dale Lloyd, Simon Whetham et beaucoup d'autres. Dès le titre du disque, puis dans le texte qui l'accompagne, la démarche de d'incise est claire: il ne s'agit pas d'une interprétation réaliste de cette rivière, ni d'une musique évocatrice ou figurative. d'incise s'intéresse avant tout au son lui-même ici, et la construction sonore qu'il fait de ces enregistrements est axée sur des paramètres sonores abstraits. d'incise s'occupent des fréquences extrêmes, les étire, les amplifie, et les modifie pour créer des sonorités aux couleurs électroacoustiques. Une exploration des propriétés purement sonores du matériau récolté par Peyronnet pour une interprétation personnelle et sensible de cette rivière désormais abstraite (au sens premier) de la réalité. En 23 minutes, d'incise construit une pièce plutôt linéaire, utilisant peu de couches sonores pour une clarté maximale. Un voyage au pays de la figuration abstraite ou une immersion sonore totale, le résultat est entre les deux, car quelques insectes et bruits naturels survivent à la tentative d'abstraction sonore pour un résultat intime, singulier, et créatif.

(informations: http://www.kaon.org/records/riviere-d-incise.html)