Hoffman/Zarzutzki + Noish/Xedh + Hoffman

Aaron Zarzutzki & Nick Hoffman - Exhaustive Expulsion (Pilgrim Talk, 2012)

Quatrième publication du duo Zarzutzki/Hoffman, Exhaustive Expulsion est un recueil de plusieurs enregistrements live regroupés sur deux cassettes. Près de deux heures d'improvisations brutes, abstraites, post-industrielles, voire post-électroacoustiques. Les instruments ne sont pas indiqués ni sur les cassettes ni sur le site du label, mais on peut entendre une trompette, quelques cymbales, des dispositifs électriques et électroniques, le souffle de câbles jacks, des platines et des bandes magnétiques, etc. L'absence de structure, de pulsation, de mélodie, de beauté au sens social, tous ces éléments peuvent évidemment servir à qualifier cette suite de "non-musique". Mais au-delà de l'aspect extrêmement abstrait et brut de cette suite, il faut quand même remarquer l'esprit aventureux de ce duo qui tente d'explorer un nouveau terrain sonore, fait de silences, du fracas aléatoire d'objets choisis dans le quotidien, d'électronique low-fi, de recherche acoustique brute et sale à travers les résidus des nouvelles musiques comme des nouvelles technologies.

Évidemment, l'écoute de ces improvisations est difficile, autant à cause de leur longueur que de leur abstraction radicale, hors de tout idiome. Peut-être d'autres seront-ils également offusqués par le son volontairement crade et brut de ces enregistrements. Quant à moi, même si je m'impatiente devant quelques longueurs, je reste quand même admiratif devant la volonté radicale de ce jeune duo originaire de Chicago de sortir des terrains battus de l'eai et des musiques improvisées en général. Une sculpture sonore sans trop de reliefs mais pleine d'aspérités et de sinuosités. Une exploration brute et extrême de la matérialité du son, amplifiée par le grain sale des bandes magnétiques, une aventure osée à travers des improvisations linéaires et fracturées, sales et escarpées, mais en tout cas assez fraîches et originales.

http://pilgrimtalk.com/PT19.html

Noish & Xedh - rlhaaa to (Pilgrim Talk, 2012)

Si je n'avais pas trop aimé le mini cdr de Miguel A. Garcia (aka Xedh) publié sur Ghost&Son, cette cassette en duo avec Noish (Oscar Martin de son vrai nom) m'a beaucoup plus convaincu. Pour rlhaaa to, le duo Noish/Xedh a composé deux pièces d'environ vingt minutes chacune. Une pièce par face, toutes deux maintenues par une cohésion et une continuité, malgré la rupture du changement de face. Ça commence par des textures abrasives où se mélangent des bruits parasites et des interférences électriques, accompagnés de quelques objets et divers sons préenregistrés, ainsi que d'une radio. L'intensité monte petit à petit, faible au départ, elle est parfois rompue par des interruptions analogiques puissantes, mais il faudra tout de même longtemps avant de sortir de l'enchevêtrement de câbles jack avec leur souffle parasitaire et de manipulations électriques sur les interférences. Mais même si ce n'est pas fort, il y a tout de même une forte tension, une ambiance presque angoissante où les bruits les plus incongrus peuvent surgir à tout moment, de manière souvent inattendue.

Comment les deux artistes sonores espagnols parviennent à sortir de ce fatras de bruits hétéroclites et parasitaires? Réponse: l'analogique bien sûr. Synthétiseur analogique à fond, trituration de bandes, la puissance de l'analogique renverse la quiétude et la méditation digitales. Les sinuosités tracées par les interférences deviennent de vrais reliefs et une nouvelle dynamique semble engagée. Une dynamique beaucoup plus puissante et forte, tout aussi fracturée et ponctuée d'évènements inattendus et hétérogènes, de manipulations et de déconstructions sonores qui forment des textures denses et des dynamiques violentes et puissantes.

Deux pièces inspirées par l'eai et la musique concrète, puissantes, denses et intenses. Recommandé!

http://pilgrimtalk.com/PT18.html
http://pilgrimtalk.bandcamp.com/album/rlhaaa-to


 Nick Hoffman - Hell House (Pilgrim Talk, 2012)

Pour finir cette chronique à propos du label expérimental Pilgrim Talk, quelques mots sur Hell House, plus pour signaler sa présence que pour le chroniquer. Je ne veux pas trop en dire parce que je n'ai pas du tout aimé ce disque. Je ne sais pas comment le prendre, je ne sais pas si c'est une blague ou non, s'il faut le prendre au premier degré ou rire avec Nick Hoffman, car le contenu est vraiment surprenant: huit morceaux assez courts pour ce CD-R de vingt minutes, huit pistes qui flirtent avec le black metal, le hardcore, le metal symphonique et le punk. Une distorsion dégueulasse sur la voix et la guitare, des riffs sortis tout droit d'une série Z des années 80/90, genre production Trauma; et pourquoi Nick Hoffman, aka Eyeless Executioner pour ce projet, a-t-il pris cette initiative de revenir à des formes désuètes du métal, à des clichés pareils? On pourrait penser à une démarche similaire à Mr Bungle ou Franck Zappa, mais je n'ai pas du tout ressenti le moindre recul ni la moindre ironie dans ces huit morceaux étranges. J'espère en fait que c'est une blague, car c'est bien la seule manière de pouvoir considérer ces pistes avec un minimum de respect et d'intérêt.

Ceci-dit, le plus intéressant dans Hell House est plutôt le magasine dans lequel le disque est livré. 56 pages de dessins aux traits enfantins mais aux contenus beaucoup moins innocents. Un trait gras pour un humour gras (ce qui me laisse penser que la musique de Nick Hoffman est tout de même à prendre au sixième degré), où sang, sexe, et politique, se chevauchent dans des planches volontairement crades mais sans tabous.

http://pilgrimtalk.com/PT16.html
http://pilgrimtalk.bandcamp.com/album/hell-house