Jonas Kocher - Solo (Insubordinations, 2011)


Jonas Kocher: accordéon, objets


Troisième CD publié par le netlabel Insubordinations, ce Solo de Jonas Kocher (que l’on peut également entendre sur ///grape skin aux côtés de Doneda) est un enregistrement live d’une pièce de 35 minutes pour accordéon. Une musique faite d’urgence et de contemplation, d’oppositions duales et de superpositions, une musique intense qui explore un instrument plutôt rare (dans la musique improvisée) mais pourtant extrêmement riche, comme le musicien suisse nous le démontre.
 
Tout commence par le souffle, fondement de l’accordéon et de la vie (animale du moins), Kocher active donc ses soufflets sans émettre de notes, il fait vivre son instrument et amène doucement l’auditeur à pénétrer ce timbre si particulier; simultanément, l’instrumentiste fusionne organiquement avec son instrument. Après les soubassements viennent les graves, imposants, oppressants et menaçants, mais toujours vivants car Kocher ne cesse de les moduler en courts glissandos non chromatiques, puis de les superposer de manière atonale en légers clusters contrebalancés par des souffles et des bruits étranges. Et enfin viennent les aigus puis les suraigus, aucune fonction mélodique, ils ne sont là que pour s’opposer et se contrebalancer aux lourdes nappes formées par la texture basse de l’instrument. Ce jeu d’oppositions (silences/clusters, longues nappes/courte note répétée, aigu/grave, etc.), de superpositions et d’agencements forme une architecture rigoureuse constituée de nappes et de phases qui s’équilibrent  toujours très bien.

Et le résultat de cette architecture particulièrement riche est l’exposition de la complexité et de l’étendue de l’accordéon dans sa dimension timbrale. Des soufflets au clavier, en passant bien évidemment par l’ambitus et la juxtaposition, Kocher explore talentueusement et intelligemment toute la richesse de son instrument. Et cette exploration est contrastée, profonde, riche, en timbres et en textures sonores comme en émotions, car les nappes peuvent être aussi apaisantes et détendues qu’oppressantes et terrifiantes. Les contrastes et les oppositions jouent aussi bien au niveau musical qu’émotionnel, ces deux aspects étant ici intimement  et inextricablement liés. La richesse de l’exploration atteint ainsi la complexité des affects du musicien comme des auditeurs. En gros, ce Solo est une pièce véritablement intense, riche et profonde, aussi bien du point de vue instrumental qu’affectif. Recommandé!