Hamiet Bluiett, Marcello Melis, Don Moye - Bars


HAMIET BLUIETT, MARCELLO MELIS, DON MOYE - Bars (Musica Records, 1977)

Hamiet Bluiett: baritone saxophone
Marcello Melis: bass
Don Moye: drums

Trois musiciens, mais une seule voix. Les trois individualités se distinguent clairement autant qu'elles se confondent en UNE seule et unique voix. Les genres se succèdent pour qu'un axe commun à tous les titres apparaisse au fur et à mesure. Les genres et les personnes, ce sont le swing post-bop de Bluiett, les appels à l'insurrection pizzicato et l'archet aux accents parfois furieux de Melis, et enfin la fluctuation de Famoudou: du jazz au rythmes bantous, from ancient to future. 1977: la période bop est définitivement close mais Bluiett ne veut pas réellement en sortir, l'improvisation collective héritée d'Ornette sert alors d'exutoire comme la Great Black Music chère aux membres de l'AACM, le phrasé bop se transforme petit à petit pour finir en cri, le CRI cher aux coltraniens. Mais ce qui permet à Bluiett de se surpasser ici, c'est certainement cette rythmique de taré, ce duo du méconnu Melis avec le fameux batteur de l'AEOC: Don Moye. Le baryton se retrouve en paysage parfois inexploré: la scène européenne surgit avec Melis mais se retrouve écrasée par le continent africain suggéré et invoqué par Famoudou. Et nous, qu'est-ce qu'on a dans l'oreille? des marches insurrectionnelles, des invocations d'esprits, une énergie typique du bop qui n'exprime rien d'autre qu'une puissance vitale prête à exploser (l'explosion sera le free). Mais l'explosion est maîtrisé, ce n'est pas le foutoir comme dans certains AEOC ou dans les premiers enregistrements européens, Bars, c'est le condensé de 15 ans de pratique d'improvisation, l'histoire de l'improvisation entre 65 et 75: un équilibre magnifique qui longe le fil du bop à l'improvisation libre nourrie de la musique noire. C'est cet équilibre qui alimente alors un dialogue magnifique entre nos trois maîtres, dialogue qui n'est pas polyphonique mais laisse quand même une grande place à l'expression de la singularité de chacun, même si ces singularités se fondent finalement en une seule voix, en un seul cri.